CHARLES-HADDON SPURGEON
Charles-Haddon Spurgeon (1834-1892) a été en son siècle le prédicateur anglais le plus populaire. Il prêcha non seulement l'Evangile avec une rare puissance, mais fut aussi l'organisateur d'une multitude d'œuvres éducatives et sociales. Il fut capable de s'adresser, sans micro, à des auditoires de dix à vingt mille personnes. Ses sermons, imprimés à des millions d'exemplaires, vibrent encore de leur flamme d'origine.Spurgeon se révèle un enfant prodige. Il apprend très vite à lire. Jusqu'à sept ans, il vit chez son grand-père, un pasteur plein de bonté. On remarque avec quelle qualité de simplicité et de chaleur il peut lire en public un texte biblique. Il n'a pas dix ans qu'il se plonge dans la lecture des grands auteurs puritains.
C'est dans une petite assemblée de méthodistes primitifs que Spurgeon "alors un adolescent en pleine crise spirituelle" entend un prédicateur inviter ses auditeurs à regarder aux Christ pour qu'ils soient sauvés. "Jésus vous dit: Regardez à moi", insistait-il. Spurgeon raconte lui-même cet événement mémorable: "L'orateur, m'apercevant alors, et devinant aisément que j'étais étranger, me regarda comme s'il avait lu sur mon visage la tragédie de mon cœur et, s'adressant directement à moi, il me dit: "Jeune homme, vous êtes malheureux." Sûrement, je l'étais. Il ajouta: "Et vous le serez toujours, à moins que vous ne regardiez au Christ."
"A l'instant, la lumière se fit en moi, et je vis le chemin du salut. Oh! comme mon cœur bondit alors de joie... Je ne sais plus bien ce que dit encore le prédicateur. Une seule pensée me possédait. C'était comme pour le serpent d'airain dressé au désert: les Israélites n'avaient alors qu'à regarder pour être guéris. Je m'étais attendu à devoir faire cinquante choses, mais, lorsque j'entendis le mot "regardez!", celui-ci résonna délicieusement à mes oreilles. Je regardais, sans pouvoir détacher les yeux du salut offert. Et, dans les cieux, je regarderai encore, je regarderai toujours...
Par la suite, je n'ai jamais prêché sans m'adresser aux inconvertis. Je crois fermement que celui qui prêche sans le faire ne sait pas prêcher."Selon ses convictions personnelles, et quoique ayant été baptisé bébé, Spurgeon se fait baptiser par immersion dans une jolie rivière, à douze kilomètres du lieu où il habite. Distance qu'il parcourt à pied, seul, rayonnant et sérieux, au matin du 3 mai 1850. Il n'a pas seize ans. Depuis ce jour, il reste un témoin du Christ.
Il est d'abord amené, en tant qu'étudiant d'un collège privé, à prêcher dans les environs. Puis, une Eglise de village manquant d'un pasteur, il accepte le poste. Il est si jeune qu'on l'appelle le "Boy-Preacher", le prédicateur qui n'est qu'un garçon. Les auditoires augmentent. Sa réputation grandit. Au bout de quatre ans, on lui demande de prêcher à la grande Eglise baptiste de New-Park-Street, à Londres, Eglise à la recherche d'un pasteur. Sa prédication est tellement frappante, qu'on le retient définitivement. Il n'a pas vingt ans. Ses dons se manifestent: une voix terriblement puissante, mais capable de se faire très douce, parfaitement contrôlée, une prédication simple, souvent imagée, sensible, exaltant l'amour de Dieu et son horreur du mal.
Le nombre des membres de cette Eglise passe en moins de deux ans de quelques centaines à deux mille. La prédication du dimanche matin doit se faire dans des édifices loués. Finalement, on construit le Tabernacle, avec deux mille six cents places assises et toutes sortes de commodités, où, pendant plus de trente ans, la prédication de Spurgeon retentit.
Spurgeon est un prédicateur de la grâce. Mais pas d'une grâce qui encouragerait à la paresse spirituelle ou la licence.
"J'ai entendu déclarer avec force que les doctrines de la grâce incitent au péché. Je ne sais qui a eu l'impudence d'affirmer semblable sottise, quand l'on sait que les chrétiens les plus éminents y croyaient. Aucune doctrine n'est plus apte à empêcher l'homme de se livrer au péché que celle de la grâce de Dieu."
"La doctrine de la grâce n'est pas dangereuse entre les mains de celui que Dieu a amené à la vie et recréé à son image. Le Saint-Esprit vient demeurer en lui pour le transformer. Il repousse son ignorance, change ses sentiments, éclaire son intelligence, dompte sa volonté, purifie ses désirs et transforme sa vie. En un mot, il s'agit d'un nouveau-né pour qui toutes choses sont devenues nouvelles."Vers 1875, alors que sa popularité est très grande, il cherche de plus en plus à éviter tout ce qui pourrait ressembler à une éloquence purement humaine. Il implore Dieu de le cacher, tandis qu'il prêche, derrière la croix. Il désire ardemment que ses auditeurs ne prêtent pas attention à lui, mais regardent au Sauveur.
"En réponse, un sens plus aigu de la réalité divine s'emparait des coeurs... La plupart d'entre ces gens relataient leur expérience devant l'Eglise, les mardi et jeudi soir, et recevaient le baptême le dimanche suivant. Grâce à cet apport constant, le Tabernacle passa à plus de cinq mille membres, devenant de beaucoup l'Eglise baptiste la plus grande du monde."C'est aussi en 1875 que Susannah a l'idée d'envoyer gratuitement les textes des sermons de son mari et ses ouvrages aux pasteurs démunis représentant toutes les confessions. Elle appelle cette oeuvre "Le fond des livres". Pour la seule année 1889, elle fait état d'un peu moins de sept mille volumes ainsi que de treize mille cinq cents sermons distribués". Cette oeuvre fut une grande joie de sa vie.
Le travail des hommes de l'école pastorale qu'il fonde à Londres connaît une bénédiction inhabituelle pendant ces années (1870-1880). Ces hommes suivent très largement la méthode de Spurgeon, consistant à s'assurer, autant qu'ils le peuvent, de la véritable conversion des gens qu'ils baptisent. En dépit de ces précautions et de ces tests, dans les douze années menant à 1880, ils baptisent environ trente-neuf mille personnes. Ainsi, des Églises s'établissent et grandissent partout dans le pays.
En 1879, lors du vingt-cinquième anniversaire du ministère de Spurgeon à Londres, il déclare, au Tabernacle:
"En ce qui me concerne, et avec l'aide de Dieu, la seule chose qui me tient à coeur est d'amener des hommes au Christ. Je n'ai que faire des belles phrases, ou des jolies spéculations prophétiques, ou d'une centaine d'autres futilités. Briser le coeur et le panser, mettre la main sur une brebis du Christ et la ramener au bercail, voilà ce pour quoi je veux vivre.
"Oui, nous avons eu cette bénédiction et cette couronne: pour autant que je puisse estimer, depuis ma venue parmi vous, plus de neuf mille personnes se sont jointes à cette Eglise. Si toutes vivaient encore, ou se réunissaient avec nous maintenant, quelle compagnie cela ferait!
"J'ai l'intention de continuer à prêcher Jésus et son Evangile. Vous pouvez être sûrs que je ne prêcherai pas autre chose car, pour moi, c'est le Christ ou rien... Il représente la somme de mon ministère, mon tout en tout."Le besoin de tels hommes n'est-il pas encore plus pressant aujourd'hui, alors que le monde dérive dans le péché et l'angoisse de ce qui peut survenir sur la terre?
Gérard Poublan (Article extrait de la revue "Signes des Temps", volume 3, 1995.) Transc.pr.int.: PC pour RB le Webmaster de "Parole de Vie"